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Jean Christophe Portes
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La France de 1789

En 1789, la France est le pays le plus peuplé d’Europe avec 26 millions de sujets, dont une immense majorité de paysans. Mais depuis Louis XVI, elle a perdu sa superbe. Dans la lutte qui l’oppose à l’Angleterre, elle vient de subir un terrible revers. Avec le traité de Paris, en 1763, le royaume perd le Canada, une partie des Antilles, du Mississippi et presque toutes les Indes. Quelques années plus tard, Louis XVI a pris sa revanche en aidant les nord américains à obtenir leur indépendance. Amère victoire : la guerre a vidé les caisses, qui sont d’autant plus vides que les riches ne payent pas l’impôt.

Les scandales ont plusieurs fois touché la cour, les attaques et les libelles infamants, touchent la reine. C’est un pays pays fragile, aux élites déconsidérées et au pouvoir chancelant qui aborde la Révolution.

Dans ce pays riche, les pauvres sont nombreux. Un quart des français ne mangent pas à leur faim. Ouvriers, journaliers, artisans, gagnes-deniers, ils travaillent dur et survivent avec une dizaine de sous par jour, à peine de quoi se nourrir, eux et leurs enfants. Certains sombrent dans la mendicité, la prostitution, la délinquance. Quand survient la « jointure », c’est-à-dire l’intervalle entre deux récoltes, ils meurent parfois de faim.

Nombres d’émeutes, bien avant les évènements de 89, sont causées par la cherté du grain, ou par la crainte d’en manquer.

Le tableau, pourtant, n’est pas si noir : dans ce tiers-état qui compose 98% de la population, tout le monde n’est pas logé à si triste enseigne.

Le pays change en effet, en profondeur. Les paysans sont nombreux à posséder leurs terres. Dans les villes, de plus en plus d’artisans et de bourgeois accèdent à l’éducation et à la propriété.  La haute bourgeoisie s’enrichit avec l’industrialisation, la banque et la finance, par exemple avec la création de compagnies par action.

Pourtant l’esprit et les mentalités restent fortement imprégnées par la féodalité. Malgré les progrès des idées des philosophes, malgré Voltaire et Rousseau, les titres de noblesse sont infiniment respectés. Le roi reste le père du peuple. Le symbole de la réussite reste l’anoblissement. Les bourgeois ajoutent une particule dès qu’ils le peuvent, en achetant une terre, ou en intégrant la magistrature ou la haute fonction publique.

Rien y fait pourtant : le véritable pouvoir, les postes ministériels, les hauts grades militaires et les dignités ecclésiastiques sont réservés essentiellement à la haute aristocratie. Être « bien né » est un avantage décisif, supérieur à toute autre considération.

La France de 1789 est un pays de castes.

Au sommet de l’édifice social, 550 000 privilégiés ne payent pas l’impôt et n’imaginent pas vivre d’un travail. Parmi eux, les disparités sont profondes : tandis que les favoris de la cour et le haut clergé vivent dans le luxe, gentilshommes de province et curés de campagne peinent à subsister. Cette fracture sera l’un des atouts des révolutionnaires. Ainsi de nombreux membres du clergé, et quelques uns de l’aristocratie, conscient de cette somme d’injustices, se rallieront au Tiers état, provoquant le véritable début de la Révolution en juin 1789, avec l’établissement d’une assemblée nationale.

Ce basculement du pouvoir fait vaciller ce monde ancien, et permet de profondes réformes : la création d’une garde nationale, des municipalités, des département, d’une nouvelle justice, la même pour tous. La démocratie est née, et son mouvement est irréversible.

Mais les privilèges n’ont disparu qu’en apparence. La pauvreté et les injustices subsistent toujours. La crise financière s’aggrave. Les biens du clergé, devenus « biens nationaux », sont mis en vente dans des conditions qui vont provoquer la banqueroute de l’Étant. et le parti du roi rêve de revanche, tandis que les agents de l’Angleterre attendent dans l’ombre une occasion d’affaiblir un peu plus le pays.

Quelques mois après la Révolution, la France est plus instable et fragile que jamais.