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Jean Christophe Portes
Les enquêtes de Victor Dauterive
«Victor Dauterive, un enquêteur sous la Révolution»

Violences

La fiction a parfois décrit le dix-huitième siècle comme une aimable période, synonyme de progrès et d’émancipation. On se souvient des tableaux de Boucher, les bergères et des amoureux de Fragonard. Ces représentations cachent une réalité autrement moins sympathique. Non que la France de 1789 soit une sorte de moyen-âge, une jungle cruelle où tout serait permis. Il existe bien une solidarité, une compassion, des règles, une justice qui ne permet pas tout. Le paternalisme des artisans et des premiers industriels est souvent bienveillant.

Mais la violence est omniprésente. Au travail, d’abord.

Femmes et enfants sont traités rudement, mis très tôt à l’ouvrage, peu payés. Les paysanne enceintes peinent aux récoltes jusqu’au dernier jour de leur grossesse. Les domestiques n’ont aucun droit. La Révolution ne changera d’ailleurs rien à leur statut, puisque considérés comme assujettis à un maître, ils sont supposés ne pas avoir d’opinion politique. Même chose pour les femmes, à qui le droit de vote sera toujours refusé … non sans un certain mépris. 

Malgré la nuit du 4 aout, sensée abolir les privilèges, la société de caste reste bel et bien en place. L’aristocratie ne renonce pas à ses gains et son état d’esprit.

La haute bourgeoisie parle de liberté et d’égalité, mais elle maintient deux classes de citoyens. Il n’est pas question d’augmenter les salaires. Et surtout pas question de renoncer aux énormes gains que procurent le sucre et le café de Saint-Domingue — et donc à l’esclavage —.

La violence s'étale sans pudeur dans la rue. À Paris, sur les Champs Élysées, dans les cabarets ou sur les marchés, les bagarres sont quotidiennes. On se bat à coup de marteaux, de bâtons, on sort le sabre entre soldats. Pour un rien, c’est un nez cassé, une homme roué de coup ou une femme trainée par les cheveux. Les rapports de police sont remplis de ces histoires, souvent aggravés par l’absorption d’alcool.

Violence juridique enfin. Le peuple — et les élites — assistent avec une joie sauvage aux pendaisons publiques et aux supplices. En 1757 l’abominable fin de Robert-François Damiens, l’homme qui a tenté de tué Louis XV, attire des milliers de spectateurs…

Il faudra attendre 1791 pour que l’on renonce à « rouer » les condamnés, c’est-à-dire à briser les 4 membres d'un condamné, avant de les replier sous son torse jusqu’à ce que mort s’en suive. Une petite douceur consistait toutefois à étrangler parfois le supplicié afin d’abréger ses souffrances. C’est pour mettre fin à de telles barbaries que la guillotine est créée.

La Révolution ne met pas fin à cette situation, bien au contraire. Les violences et la colère qui l’accompagnent sont les enfants naturels de ce contexte brutal.